Chapitre 11 Cosmologie

Hubble eXtreme Deep Field
Le champ extrêmement profond de Hubble (Hubble eXtreme Deep Field) contient environ 5500 galaxies dont certaines sont si lointaines qu’on les voit telles qu’elles étaient alors que l’Univers n’avait que 700 millions d’années. Cette image couvre une région du ciel de la taille d’un dixième de la taille de la pleine Lune. (NASA, ESA, G. Illingworth, D. Magee, and P. Oesch (University of California, Santa Cruz), R. Bouwens (Leiden University), and the HUDF09 Team)

Au dernier chapitre, nous avions conclu en discutant de l’expansion de l’Univers découverte par Lemaître, Friedman et Hubble. Cette découverte, faite à la fin des années 1920 a semé les graines de ce qui allait devenir la théorie cosmologique moderne.

Rayonnement de fond cosmologique

Au milieu des années soixantes, un physicien originaire du Manitoba, Jim Peebles, a pris les équations de la relativité générale qui décrivaient l’expansion de l’Univers et les a “fait joué” à l’envers. Il a inversé le flot du temps dans les équations pour comprendre le passé de l’Univers. Ce faisant, il a réalisé que puisque l’Univers était plus petit et plus dense dans le passé, il devait aussi être plus chaud. En fait, l’Univers devait être tellement chaud qu’il émettait énormément de lumière (rappelez-vous la discussion sur le corps noir que nous avons eue au chapitre 9). Cette lumière datant du tout début de l’histoire du cosmos, un rayonnement fossile cosmologique, devrait encore être visible aujourd’hui, mais en raison de l’expansion de l’Univers, elle devrait être du domaine des micro-ondes.

Jim Peebles
Jim Peebles (pollosaurio CC BY 2.0)

À la même époque, deux astronomes intéressés par les micro-ondes, Arno Penzias et Robert Wilson, venaient de mettre la main sur une antenne de détection de micro-ondes. Ils essayaient de l’utiliser pour étudier les gaz dans la Voie lactée, mais se heurtaient continuellement à un problème de bruit de fond qui rendait leurs mesures inutilisables. Ce bruit de fond était présent peu importe la direction dans laquelle ils pointaient leur antenne. Après avoir vérifié et contrevérifié toutes les sources possibles de ce bruit (incluant des pigeons qui avaient fait leur nid dans des racoins de l’antenne), ils étaient à court d’idées. Dans une rencontre fortuite avec un collègue de Jim Peebles, ils apprirent ses prédictions se l’existence du rayonnement fossile et réalisèrent que c’est ce qu’ils observaient dans leurs données. Penzias et Wilson reçurent le prix Nobel de physique en 1978 pour avoir été les premiers à observer le rayonnement de fond cosmologique. Jim Peebles reçut le prix Nobel de physique en 2019.

Penzias et Wilson à l'antenne Horn
Arno Penzias et Robert Wilson avec l’antenne qui leur a servi à détecter le rayonnement fossile.

La découverte du rayonnement fossile venait confirmer que l’Univers était autrefois beaucoup plus chaud et beaucoup plus dense et qu’il avait dû commencer sa vie en prenant soudainement de l’expansion, un événement qu’on nomme le Big Bang. Le rayonnement fossile a été cartographié avec une précision de quelques millionièmes de degrés celsius par le satellite européen Planck au début des années 2010. Les observations de Planck montre que le rayonnement fossile est présent partout dans l’Univers et qu’il a la même température partout. La carte ci-dessous montre que les variations dans la température du rayonnement sont de l’ordre de quelques 10 millièmes de degrés.

Anisotroprie de température du rayonnement fossile
Le rayonnement fossile a la même température partout dans l’Univers visible. Ceci n’est possible que si toutes les parties étaient en contact dans le passé de l’Univers (ESA et la Collaboration Planck)

Une brève histoire de l’Univers

Tout a commencé (probablement) par une singularité il y a 13.79 milliards d’années : l’Univers était infiniment dense et chaud. La physique actuelle ne peut pas expliquer ce qui se passe dans une singularité. Pour une raison encore inconnue, l’Univers a commencé à prendre de l’expansion. Après 10-43 secondes, il a atteint une densité telle que la physique actuelle peut décrire ce qui s’est passé par la suite et la suite est donc mieux comprise et moins incertaine que le tout début.

Entre 10-43 et 10-35 secondes, l’Univers était si dense qu’on pense que les quatres forces de la nature, la gravité, la force électromagnétique, la force nucléaire forte et la force nucléaire faible, étaient une seule et même force. Cette force, décrite par le même ensemble d’équations (qu’on ne connait pas pour l’instant), porte le très humble nom de grande force unifiée.

Durant les 10-34 secondes suivantes, l’Univers a grossi d’un facteur 1026 dans une phase d’expansion extrême qu’on appelle l’inflation. Après l’inflation, ce qui est aujourd’hui l’Univers observable avait la taille d’un gros ballon. L’inflation explique l’uniformité du rayonnement fossile : avant l’inflation, l’Univers était si petit que toutes ses parties ont eut le temps d’être en équilibre thermique, c’est-à-dire d’atteindre la même température. Sans cette phase d’inflation, il est impossible d’expliquer pourquoi le rayonnement fossile a exactement la même température partout dans l’Univers observable. C’est aussi l’inflation qui est responsable des petites fluctuations qu’on observe dans le rayonnement fossile : des variations aléatoires dans la densité d’énergie avant l’inflation ont été amplifiées par l’inflation.

Histoire de l'Univers
Histoire de l’Univers, du Big Bang à aujourd’hui. L’image n’est pas à l’échelle. (Adapté d’une image de la collaboration BICEP2)

Après l’inflation, les premières particules ont commencé à apparaître : les quarks et les gluons. L’Univers était tellement chaud, que ces particules formaient un plasma de quarks et de gluons, une forme de matière très exotique. On pense qu’aujourd’hui on peut retrouver du plasma quark-gluons dans certaines étoiles à neutrons, mais cette hypothèse est encore spéculative pour l’instant. C’est durant l’ère des quarks que la distinction entre matière et anti-matière est apparue.

À l’âge d’environ 1 millionième de secondes, l’Univers était suffisamment froid pour que les quarks se rejoignent et forment les premiers protons et les premiers neutrons. Les électrons sont aussi apparus à ce moment. La température et la densité demeuraient néanmoins tellement grande que les protons et les neutrons pouvaient fusionner et former des noyaux d’hélium (et des traces de tritium, un isotope de l’hydrogène, de lithium et de béryllium). On appelle cette phase la nucléosynthèse primordiale. Les calculs théorique de la quantité d’hydrogène, de tritium, d’hélium, de lithium et de béryllium produit lors de la nucléosynthèse primordiale concordent parfaitement avec les abondances mesurées aujourd’hui dans l’Univers. La nucléosynthèse primordiale a duré quelque minutes. Elle s’est arrêté parce que l’Univers avait suffisamment grossi pour que la densité ne soit plus assez grande pour fusionner les protons et les neutrons.

Après la fin de la nucléosynthèse primordiale, l’Univers a continué son expansion sans aucun événement majeur durant 380 000 ans. En raison de la température qui baissait, les électrons ont été capables de se joindre aux noyaux d’hydrogène et d’hélium pour former des atomes neutres. La densité a diminué, mais l’Univers demeurait suffisamment dense pour être opaque et empêcher la lumière de voyager librement sans continuellement entrer en collision avec des électrons et des noyaux d’hydrogène et d’hélium. Lorsqu’il a atteint l’âge de 380 000 ans, quelque chose de remarquable s’est produit : l’Univers est devenu transparent. La densité a chuté suffisamment pour que la lumière puisse voyager librement. Le rayonnement fossile que nous observons aujourd’hui a été émis à cette époque.

La période d’environ 100 millions d’années qui a suivi a été relativement calme. On appelle cette période les Âges sombres. La température a chuté tranquillement alors que la matière commençait à se condenser sous l’influence de la gravité dans les régions où la densité initiale était légèrement plus grande qu’ailleurs. À 100 millions d’années, les premières étoiles et les premières galaxies se sont formées.

Après quelques centaines de millions d’années, le rayonnement produit par les étoiles en fin de vie est devenu si intense que la matière s’est en grande partie ionisée, c’est-à-dire que les électrons ont été arrachés au noyaux d’atomes. On appelle cette période la réionisation.

À l’âge de 1 milliard d’années, l’Univers a atteint un état très semblable à son état actuel et a évolué sans changement majeur jusqu’à aujourd’hui.

Destin de l’Univers

Ce que deviendra éventuellement l’Univers est encore très spéculatif. Plusieurs scénarios sont possibles, nous nous limiterons à deux d’entre eux.

Mort thermique

Ce scénario est le plus probable. L’Univers continuera à prendre de l’expansion et deviendra de plus en plus froid et de moins en moins dense. De moins en moins d’étoiles se formeront jusqu’à ce que la formation d’étoiles cesse complètement. Les galaxies complètement isolées les unes des autres dans un Univers de plus en plus ténu et froid s’éteindront à mesure que Les cadavres stellaires se refroidiront peu à peu jusqu’à s’éteindre complètement. Éventuellement, les fluctuations quantique feront en sorte que les trous noirs s’évaporeront et disparaîtront. Les atomes se dissocieront à mesure que les protons et les neutrons se décomposeront. L’entropie dans l’Univers augmentera sans cesse, c’est-à-dire que les particules restantes se déplaceront de façon complètement désorganisé, il n’y aura plus aucune structure comme les atomes et encore moins des planètes ou des étoiles. Toute l’énergie dans l’Univers sera de la chaleur, c’est-à-dire une forme complètement désorganisé d’énergie. La température sera très proche du zéro absolu. À un certain point, l’Univers atteindra son état d’entropie maximal et le temps cessera d’avoir un sens. L’Univers sera alors mort à jamais, une mort thermique où tout se termine dans le froid et la noirceur. La mort thermique de l’Univers se déroulera sur une période d’environ 101000 ans.

Big Crunch

Ce scénario est possible si la quantité de matière dans l’Univers est suffisamment grande pour que l’attraction gravitationnelle soit éventuellement capable de renverser l’expansion. L’expansion de l’Univers ralentira pour éventuellement arrêter complètement puis se transformer en une contraction de l’Univers. Les galaxies commenceront alors à se rapprocher les unes des autres et les collisions de galaxie deviendront de plus en plus fréquentes. La lumière présente dans l’Univers sera graduellement décalée vers le bleu et le violet en raison de la contraction de l’espace-temps et deviendra très énergétique. Cette radiation intense enflammera tout l’Univers : des réactions de fusion nucléaire se produiront partout, pas seulement dans le cœur des étoiles. Encore plus de rayonnement sera libéré et la température de l’Univers grimpera en flèche. La densité de matière augmentera et les atomes seront ionisés par la radiation. Le plasma de plus en plus chaud se contractera et atteindra probablement, après quelques centaines de milliards d’années, une singularité semblable à celle de laquelle l’Univers est né.

Exercices

  1. Quand a été émis le rayonnement fossile?
  2. Comment peut-on aujourd’hui détecter le rayonnement fossile?
  3. Comment explique-t-on que le rayonnement fossile provenant de régions de l’Univers situées à des dizaines de milliards d’années-lumière soit à la même température?
  4. Classez les événements suivants en ordre chronologique, du plus ancien au plus récent : formation des galaxies, nucléosynthèse primordiale, réionisation, inflation, formation des protons, singularité, Univers devient transparent.
  5. Pourquoi l’hydrogène et l’hélium sont-ils les atomes les plus abondants dans l’Univers?
  6. Dans le scénario de la mort thermique de l’Univers, la température à la Fin est très élevée ou très basse?
  7. Dans le scénario du Big Crunch, la température à la Fin est très élevée ou très basse?