Chapitre 7 Lumière et télescopes

Galaxie du Tourbillon
Quatre images de la galaxie du Tourbillon (Messier 51) qui montrent les différents détails visibles avec différents types de lumière (NASA/JPL-Caltech)

Au dernier chapitre, nous avons vu comment les multiples sondes spatiales développées durant la deuxième moitié du vingtième siècle nous ont permis de découvrir les planètes et les autres objets de notre système solaire. Envoyer un robot sur Mars est une excellente façon de récolter de l’information sur cette planète, mais ce n’est malheureusement pas une approche réaliste pour la grande majorité des objets qui peuplent le cosmos. L’étoile la plus proche est à environ 4,2 années-lumière de la Terre, il est très peu probable que nous parvenions à y envoyer quoi que ce soit avant quelques siècles.

Pour étudier les objets plus lointains dans l’Univers, nous devons donc utiliser des techniques d’observation très semblables à celles utilisées par les astronomes mésopotamiens. Un très grand nombre d’astres émettent de la lumière et une partie de cette lumière nous parvient. En la détectant et en mesurant ses propriétés, nous pouvons déduire beaucoup de chose sur l’astre qui en est la source. Dans ce chapitre, nous découvrirons d’abord ce qu’est la lumière, puis nous explorerons les différentes façons de la détecter.

Lumière

Une brève histoire de la lumière

Dès l’antiquité grecque, les philosophes naturels se sont intéressés à la nature de la lumière et à l’étude de ses propriétés. Euclide et Ptolémée, deux savants dont nous avons déjà parlé dans ce cours, ont tous deux écrit un ouvrage sur l’optique, c’est-à-dire l’étude des phénomènes lumineux. Ils connaissaient les phénomènes de réflexion et de réfraction. La réflexion se produit lorsque la lumière arrive sur un matériel et «rebondit» sur ce matériel. Un exemple courant du phénomène de réflexion est la déviation de la lumière qui frappe un miroir. La réfraction est la déviation de la trajectoire de la lumière qui se produit lorsqu’elle passe d’un milieu transparent à un autre. Par exemple, lorsqu’on plonge une cuillère dans un verre d’eau, la cuillère semble brisée alors qu’elle ne l’est pas.

Déviation de la lumière par réfraction
La lumière peut être déviée lorsqu’elle passe d’un milieu transparent à un autre. Ici on voit cette déviation causée par le passage de la lumière de l’eau à l’air.

À la Renaissance, René Descartes, Robert Hooke, Isaac Newton et Christiaan Huygens ont cherché à comprendre la nature de la lumière et à décrire de nouveaux phénomènes. Descartes et Newton pensaient que la lumière était composée de plusieurs petites particules qui voyageaient en ligne droite et qui rebondissait sur les surfaces comme des balles de billard. Cette théorie corpusculaire de la lumière permettait de décrire correctement les phénomènes de réflexion et de réfraction. Newton a également découvert le phénomène de dispersion : si on fait passer un faisceau de lumière blanche à travers un prisme, la lumière qui en ressort est composée de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Selon Newton, ceci s’expliquait par le fait que les particules de lumière des différentes couleurs n’étaient pas réfractées exactement de la même façon.

Dispersion de la lumière
La lumière blanche qui traverse un prisme en ressort sous forme de différentes couleurs (Alfredo Louro CC BY-NC-SA 2.0)

À la même époque, Robert Hooke et Christiaan Huygens étaient convaincus que la lumière n’était pas composée de particules, mais était plutôt une onde semblable à celle qui se propage à la surface d’un lac quand on y jette une roche. Huygens suggérait que cette onde se propageait dans un milieu qu’il nomma éther. La théorie ondulatoire de la lumière de Huygens permettait d’expliquer correctement la réflexion, la réfraction et la dispersion, mais aussi d’autres phénomènes. Par exemple, si la lumière était composée de particules, lorsque deux faisceaux lumineux se croisent, ils devraient entrer en collision. Ceci ne concorde pas avec les observations. Dans la théorie ondulatoire, il est tout à fait possible que deux faisceaux lumineux se croisent sans interagir. La théorie ondulatoire explique aussi le phénomène de diffraction qu’on observe lorsque la lumière passe à travers une petite ouverture.

Diffraction par une fente
Diffraction d’une onde qui passe à travers une petite ouverture. La direction de propagation de l’onde change suite au passage dans l’ouverture. (Dicklyon)

Le physicien anglais Thomas Young a fait une expérience célèbre au début du XIXe qui supportait la théorie ondulatoire de la lumière. Il a fait passer de la lumière par deux fentes et a remarqué que la lumière interagissait avec elle-même et créait des zones où l’intensité lumineuse était grande et des zones où l’intensité lumineuse était très faible. Ce genre de résultat n’était cohérent qu’avec la théorie ondulatoire de la lumière.

Le grand nombre d’observations cohérentes avec la théorie ondulatoire ont fait en sorte qu’elle soit acceptée comme la description correcte jusqu’au début du XXe siècle. À ce moment, des expériences sur l’interaction entre la lumière et certains circuits électriques, l’effet photoélectrique, donnaient des résultats incohérents avec la théorie ondulatoire. Albert Einstein a expliqué ce phénomène en considérant la lumière comme une particule, appelée un photon. Cette hypothèse est un des fondements de la mécanique quantique, la théorie moderne qui décrit comment la lumière et les objets de taille subatomique (électrons, protons, neutrons, etc.) se comportent. Cependant, cette nouvelle réalisation ne contredisait pas la théorie ondulatoire de la lumière. La théorie quantique présente la lumière comme une onde, mais une onde qui se comporte comme une particule lorsqu’elle interagit avec des objets subatomiques. Cette description n’est pas très intuitive et semble décrire la lumière de deux façons incompatibles, c’est pourquoi on lui fait souvent référence comme la dualité onde-particule de la lumière. Les succès très nombreux de la mécanique quantique nous ont convaincu que cette description est la bonne. La nature n’a aucune obligation de se comporter d’une façon qui a du sens à nos yeux.

Nature de la lumière

Voici ce que nous connaissons aujourd’hui à propos de la lumière. C’est une onde électromagnétique. Une onde est une oscillation qui se propage dans un certain milieu. Par exemple, une corde tendue qu’on secoue est parcourue d’une onde. Une roche lancée dans un lac créé une vibration de la surface du lac qui s’éloigne du point d’impact. La lumière se propage dans le champ électromagnétique qui est une propriété de l’espace. En chaque point de l’espace, on peut mesurer le champ électromagnétique un peu comme on peut mesurer la température. Le champ électromagnétique est généré par les objets qui ont une charge électrique (par exemple les électrons) et qui se déplacent. Si le champ électromagnétique est «secoué», une oscillation de ce champ se propagera en s’éloignant de la source. Cette oscillation qui se déplace, c’est la lumière.

Considérons l’exemple d’un téléphone cellulaire qui communique avec une tour de télécommunication. Sur la tour, il y a une antenne métallique dans laquelle des électrons se déplacent très rapidement. Ce mouvement des électrons génère une perturbation dans le champ électromagnétique et cette perturbation s’éloigne de l’antenne. L’onde électromagnétique se propage jusqu’au téléphone cellulaire et les électrons qui se trouvent dans l’antenne du téléphone se mettent à osciller sous l’influence de l’onde. Cette oscillation active un circuit électrique qui transforme l’information contenue dans le mouvement des électrons en image qui peut s’afficher sur l’écran.

L’exemple précédent vous montre que les ondes radios utilisées par les cellulaires (et les radios AM et FM, et la télévision, etc.) sont une forme de lumière. On distingue les différentes formes de lumière par leur longueur d’onde, c’est-à-dire la distance entre deux crêtes successives de l’onde (voir l’image ci-dessous).

Anatomie d'une onde
Une onde est caractérisée par sa longueur d’onde λ qui est la distance entre deux crêtes successives. L’amplitude de l’onde A est reliée à son intensité.

Les ondes radio sont une forme de lumière qui a des longueurs d’onde de plus de 1 m. La lumière visible, celle à laquelle nos yeux sont sensibles, a une longueur d’onde comprise entre 400 et 700 nm, soit entre 0,000 000 400 m et 0,000 000 700 m. Les ondes électromagnétiques de 700
nm à 1 mm sont les infrarouges, alors que celles de 10 nm à 400 nm sont les ultraviolets. Les ondes de 1 mm à 1 m sont les microondes. Les ondes ayant une longueur d’onde inférieure à 10 nm sont les rayons X et ceux avec une longueur d’onde inférieure à 1 pm = 1 × 10-12 m sont les rayons gamma.

Spectre électromagnétique
Spectre électromagnétique (Ploufandsplash CC BY-SA 3.0)

En astronomie, nous observons le ciel à toutes les longueurs d’onde possibles, pas seulement la lumière visible. Ceci nous permet de «voir» beaucoup plus de choses et de comprendre un plus large éventail de phénomènes.

Vitesse de la lumière

Depuis le développement de la théorie de la relativité restreinte d’Einstein, nous savons que la vitesse de la lumière est la même pour tous les observateurs, peu importe comment ils se déplacent par rapport à la source lumineuse. Cette vitesse a été mesurée précisément a de nombreuses reprises et aujourd’hui, on la définit comme une constante dont la valeur est

c = 299 792,458 km/s

exactement. Cette vitesse, combinée avec une définition formelle de la seconde basée sur les oscillations d’un atome de césium, sert à définir le mètre.

En astronomie, les distances sont si grandes qu’il est commun d’utiliser les années-lumière pour les mesurer. Les tableaux ci-dessous montrent quelques équivalences entre différentes distances.

*-lumière Distance en km
Seconde-lumière 299 792,458 km
Minute-lumière 17 987 547,48 km
Semaine-lumière 181 314 478 598 km
Année-lumière 9 454 254 955 488 km


Distance *-lumière
Terre-Soleil 8,32 minutes-lumière
Pluton-Soleil 5,5 heures-lumière
Soleil-Proxima Centauri 4,22 années-lumière

Télescopes

Un télescope est un instrument qui sert à collecter la lumière provenant d’un objet très lointain. Cette lumière peut être de la lumière visible, mais aussi des ondes radio, des rayons X ou tout autre type d’ondes électromagnétiques. Il existe deux types principaux de télescope définit en fonction de l’élément optique utilisé pour concentrer la lumière. Un télescope réfracteur utilise une lentille convergente (comme une loupe) pour concentrer la lumière. Un télescope réflecteur utilise un miroir concave pour concentrer la lumière.

Réfracteurs

Dans un télescope réfracteur, une lentille convergente agit comme objectif, c’est-à-dire comme élément optique collecteur de lumière. Cette lentille fait converger la lumière arrivant d’objet lointain en un point. La lentille fait dévier la lumière grâce au phénomène de réfraction, d’où le nom de ce type de télescope. Une deuxième lentille, l’oculaire est utilisée pour obtenir un grossissement supplémentaire de l’image.

Galilée a été le premier à utiliser ce type de télescope pour faire de l’astronomie, on l’appelle donc souvent une lunette de Galilée. Pour qu’un tel télescope fonctionne bien, il est primordial que les lentilles utilisées soit faites d’un verre de très haute qualité pour éviter l’apparition de défauts dû à l’instrument.

Télescope réfracteur
Schéma d’un télescope réfracteur du type utilisé par Galilée (tiré de Fahie, J.J. Galileo, his life and work. London, 1903)

Les télescopes réfracteurs sont sujets au problème d’aberration chromatique. Puisque les différentes couleurs sont déviées différemment dans une lentille, le trajet suivi par la lumière rouge est légèrement différent du trajet suivi par la lumière violette. Par conséquent, l’image produite par un télescope réfracteur peut montrer un décalage entre le rouge et le violet. Ce genre de problème peut être minimisé en utilisant des agencements plus complexes de lentilles, mais il ne peut pas être complètement éliminé.

Aberration chromatique
Aberration chromatique qui fait que l’image violette et l’image bleu sont légèrement décalées (Wilder Kaiser CC BY-SA 3.0)

Un autre problème des télescopes réfracteurs est la taille. Si on veut construire un télescope avec une plus grande ouverture (pour capter plus de lumière et donc voir des objets ayant une magnitude plus grande), il faut une lentille plus grosse. Plus la lentille est grosse et plus elle aura tendance à se déformer sous son propre poids. Une lentille déformée produira une image déformée qui sera très difficile à interpréter. Ceci s’ajoute au fait que produire une lentille parfaitement transparente et de grande taille est techniquement très difficile. Pour ces raisons, les télescopes réfracteurs ne sont plus vraiment utilisés en astronomie aujourd’hui.

Télescope réfracteur de l'Observatoire astronomique de Strasbourg en France
Télescope réfracteur de l’Observatoire astronomique de Strasbourg en France (Pethrus CC BY-SA 3.0)

Réflecteurs

Dans un télescope réflecteur, l’objectif est un miroir concave. Ce miroir concentre la lumière vers un oculaire qui est une lentille. Le parcours de la lumière passe souvent par un miroir secondaire qui ne fait que réorienter le faisceau. Ce type de télescope a été inventé et utilisé par Isaac Newton.

Télescope réflecteur de type newtonien
Télescope réflecteur de type newtonien (Pethrus CC BY-SA 3.0)

Les télescopes réflecteurs ne sont pas sujet à l’aberration chromatique. De plus, puisque la lumière ne passe pas à travers le miroir, ce dernier, même s’il est très gros, peut être solidement supporté par l’arrière ce qui élimine les problèmes de déformations dont souffrent les réfracteurs. Pour ces raisons, tous les télescopes modernes utilisés en recherche sont des réflecteurs.

Télescope réflecteur Mayall de 4\ m à Kitt Peak
Télescope réflecteur Mayall de 4 m à Kitt Peak. Le miroir principal a une masse de 15 tonnes.

Les télescopes modernes sont tous équipé de détecteurs numériques. Les astronomes professionnels ne collent pas leur œil à l’objectif comme ça se faisait du temps de Newton. Les détecteurs numériques sont installés à l’oculaire et transforment la lumière reçue en fichiers numériques qui peuvent par la suite être traités sur des ordinateurs.

Télescope réflecteur vs réfracteur
(xkcd CC BY-NC 2.5)

Montures

Un télescope doit pouvoir être pointé vers l’étoile ou l’objet à observer. Il faut donc que le système optique soit fixé à une monture qui lui sert de support et de mécanisme de pointage. Il existe deux grandes catégories de montures en usage courant : la monture équatoriale et la monture alt-azimutale. Ces types de monture font référence au système de coordonnées utilisé. Sans grande surprise, la monture équatoriale utilise le système de coordonnées équatoriales, c’est-à-dire que la monture peut tourner autour de deux axes dont un correspond à l’axe nord-sud céleste (permet de régler l’ascension droite) et l’autre est dans le plan de l’équateur céleste (permet de régler la déclinaison). Ce type de monture est difficile à construire et est en général très massif, pouvant atteindre plusieurs centaines de tonnes. L’image du Mayall ci-dessus montre une monture équatoriale.

Les montures alt-azimutales utilisent le système de coordonnées altitude-azimut. Elles sont plus faciles à construire, mais plus difficiles à opérer parce qu’il faut constamment calculer des changements de coordonnées. Ceci est beaucoup plus simple aujourd’hui grâce au recours à des ordinateurs et beaucoup de systèmes modernes utilisent les montures alt-azimutales.

En plus de pointer le télescope, la monture remplit une autre fonction essentielle. Rappelez-vous que la Terre tourne sur elle-même ce qui cause un mouvement apparent des astres dans le ciel. La position apparente d’une étoile change donc constamment au cours d’une nuit. Si on veut l’observer plus de quelques secondes, ce qui est souvent le cas, le télescope doit être bougé de telle sorte qu’il compense pour la rotation de la Terre. Ce mouvement de la monture est appelé l’entraînement sidéral. Calculer l’entraînement sidéral pour une monture équatoriale est simple : il suffit de faire tourner la monture autour de l’axe nord-sud dans le sens contraire de la rotation de la Terre exactement au même rythme que la rotation de la Terre (soit 360° en 24h). Pour une monture alt-azimutale, le calcul est plus complexe et il faut tourner autour des deux axes simultanément à un rythme qui n’est pas toujours le même. L’utilisation d’un ordinateur pour contrôler la monture est nécessaire dans ce cas.

Autres types de télescopes

Il existe beaucoup d’autres types de télescopes : les radiotélescopes, les télescopes spatiaux, les détecteurs d’ondes gravitationnelles, etc. Nous n’avons pas le temps d’étudier ces télescopes en détail, mais si vous voulez, ils sont d’excellents sujets pour votre production écrite.

Exercices

  1. Expliquez la différence entre la réflexion et la réfraction.

  2. Définissez le phénomène de la dispersion.

  3. Définissez le phénomène de la diffraction.

  4. D’après vous, les arcs-en-ciel sont causés par quel phénomène : la réflexion, la réfraction, la dispersion ou la diffraction? Expliquez votre raisonnement.

  5. Expliquez la différence entre la théorie ondulatoire et la théorie corpusculaire de la lumière en prenant soin de définir chacune de ces deux théories.

  6. Nommez deux expériences qui montraient que la lumière est une onde.

  7. Nommez deux expériences qui montraient que la lumière est une particule.

  8. Est-ce que l’effet photoélectrique supportait la théorie ondulatoire ou la théorie corpusculaire?

  9. Classez les types d’ondes électromagnétiques suivantes en ordre croissant de longueur d’onde : rouge, microonde, rayon gamma, bleu, ultraviolet, rayon X, onde radio, vert.

  10. À quelle vitesse se propagent les rayons X? À quelle vitesse se propagent les ondes radio?

  11. Expliquez deux avantages des télescopes réflecteurs par rapport aux télescopes réfracteurs.

  12. Vrai ou faux? Aujourd’hui, la vaste majorité des télescopes utilisés en recherche sont des télescopes réflecteurs.

  13. Expliquez ce qu’est l’aberration chromatique. Votre explication doit mentionner lesquels des phénomènes suivants sont impliqués : réflexion, réfraction, dispersion, diffraction.

  14. Nommez un avantage des montures équatoriales. Nommez un avantage des montures alt-azimutales.

  15. Définissez l’entraînement sidéral.