Chapitre 2 Astronomie antique
Dans ce chapitre, nous ferons un survol des premières observations astronomiques détaillées des civilisations antiques. La discussion se limitera aux civilisations mésopotamienne et grecque. Nous savons cependant que plusieurs autres civilisations, notamment les Mayas et les Chinois, ont fait des avancées importantes en astronomie à peu près à la même période.
Les Mésopotamiens
Sur le territoire aujourd’hui occupé par la Syrie et l’Irak se trouvait autrefois la Mésopotamie. Cette grande région, encadrée par les fleuves Tigre et Euphrate a été le berceau d’une des plus grandes civilisations de l’histoire humaine. Les Mésopotamiens y ont régné pendant plus de trois millénaires, de 3200 av. J.C. jusqu’au IIIe siècle après J.C. Les étoiles ont sans doute intéressé les Mésopotamiens pour la navigation, mais aussi pour des raisons moins pragmatiques.
Les Mésopotamiens avaient observé que certains astres, la Lune et le Soleil, avaient une influence sur des phénomènes terrestres. Par exemple, ils avaient compris le lien entre les phases de la Lune et les marées. Ils en vinrent à croire que les astres pouvaient aussi avoir une influence sur les êtres humains, plus particulièrement sur les rois et les grands nobles. Cette croyance a été le moteur de l’étude plus détaillée des phénomènes célestes et marque le début de ce qu’on appelle l’astrologie, un ensemble de croyances qui établit un lien entre la position des astres et les comportements ou la destinée des êtres humains. S’ils avaient connu la méthode scientifique, les prêtres-astrologues mésopotamiens auraient pu mettre à l’épreuve ces croyances et s’apercevoir qu’elles ne résistaient pas à la moindre investigation.
Leurs observations du ciel leur ont néanmoins permis de reconnaître que les étoiles, immobiles les unes par rapport aux autres, étaient fondamentalement différentes des astres errants, la Lune, le Soleil, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Ces astres errants se déplacent par rapport aux étoiles selon des mouvements qui se répètent à intervalle régulier. Les observations qui ont permis de découvrir ces cycles marquent le début de l’astronomie, une science qui se base sur les observations pour comprendre et prédire ce qui se produit dans le ciel. Les observations mésopotamiennes étaient très détaillées (pour l’époque) et leur connaissance des mathématiques leur permettait d’identifier les schémas récurrents dans leurs observations. Ils étaient capables de faire des prédictions simples quant aux positions des astres. Ils ont regroupé les étoiles le long de l’écliptique en douze constellations du zodiaque.
Planètes inférieures et supérieures
Les Mésopotamiens ont classé les planètes en deux catégories : les planètes inférieures qui ne s’éloignent jamais beaucoup du Soleil et les planètes supérieures qu’on peut retrouver n’importe où le long de l’écliptique. Les planètes inférieures sont Mercure et Vénus alors que les planètes supérieures sont Mars, Jupiter et Saturne.
Les planètes inférieures ne sont jamais bien loin du Soleil. Les Mésopotamiens ont mesuré l’angle entre les planètes inférieures et le Soleil et ont réalisé que cet angle était toujours inférieur à 44° pour Vénus et 24° pour Mercure. Lorsqu’une planète inférieure est à sa position la plus éloignée du Soleil, on dit qu’elle est en élongation maximale. Si la planète est vis à vis le Soleil, on dit qu’elle est en conjonction. La figure ci-dessous montre ces positions dans le modèle héliocentrique moderne, c’est-à-dire un modèle où le Soleil est au centre et les planètes orbitent autour du Soleil. On comprend maintenant que ces planètes apparaissent toujours proche du Soleil dans le ciel parce qu’elles sont sur des orbites plus rapprochées du Soleil que celle de la Terre. Évidemment, les Mésopotamiens ignoraient ce fait.
Les planètes supérieures ont un comportement assez différent. Elles sont parfois proche du Soleil, voire en conjonction, mais il leur arrive également d’être complètement à l’opposé du Soleil, en opposition. Lorsqu’une planète supérieure est à 90° par rapport au Soleil, on dit qu’elle est en quadrature. La figure ci-dessous montre ces positions dans le modèle héliocentrique moderne. On comprend maintenant que ces planètes apparaissent n’importe où par rapport au Soleil parce qu’elles sont sur des orbites plus éloignées du Soleil que celle de la Terre. Évidemment, les Mésopotamiens ignoraient ce fait.
Les Mésopotamiens ont également mesuré le temps que prenait chaque astre errant pour faire le tour des constellations du zodiaque et le temps pour que les planètes passent à travers toutes les positions particulières. Il est remarquable que les Mésopotamiens, à partir de simples observations à l’œil nu et de quelques instruments de mesure (pour mesurer les angles et le temps), aient été capables de faire toutes ces observations.
Les Grecs
Les philosophes grecs ont poursuivi le travail des Mésopotamiens, mais en faisant des observations encore plus détaillées et en construisant des modèles qui leur permettaient de faire des prédictions beaucoup plus précises du mouvement des astres. Leur approche ressemblait beaucoup à la méthode scientifique moderne. À partir de leurs observations, ils formulaient des hypothèses quant à la nature des phénomènes et à leur fonctionnement. Puis, ils utilisaient ces hypothèses pour formuler des prédictions et ils vérifiaient ensuite ces prédictions avec de nouvelles observations. Lorsque les prédictions étaient incohérentes avec les observations, le modèle était révisé. L ’image ci-dessous montre une partie d’une machine qui était constituée de plusieurs engrenages et qui servait à prédire la position de la Lune et du Soleil de même que les éclipses.
Modèle d’Aristote
Lorsqu’on les regarde chaque soir pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, on remarque que les planètes se déplacent généralement d’ouest en est par rapport aux constellations du zodiaque. Il est important de distinguer ce mouvement du mouvement quotidien de la sphère céleste d’est en ouest : ce qui nous intéresse maintenant est un mouvement sur une bien plus grande période par rapport aux étoiles, pas par rapport à la Terre. De plus, les planètes ont des vitesses qui sont presque constantes.
Aristote, vers 350 av. J.C., proposa un modèle pour décrire le mouvement des astres. Pour lui, les étoiles et les planètes étaient de petits points lumineux alors que la Terre était grosse et massive (il est difficile de bouger des gros rochers). Ces observations l’amenèrent à postuler que la Terre était immobile et que les astres se déplaçaient autour de la Terre : c’est le modèle géocentrique. Nous savons aujourd’hui que ce modèle est incorrect, mais avec les observations de l’époque, il semblait très plausible.
Aristote savait que la Terre était une sphère parce que trois observations simples et accessibles à l’époque l’indiquaient assez clairement. Premièrement, lorsqu’un bateau disparaît à l’horizon sur une mer calme, on voit la coque du navire disparaître avant son mat. L ’image ci-dessous montre un bâtiment situé au Port de Sagunt, à environ 20 km de Valencia, où la photo a été prise. Le bas des bâtiments n’est pas visible à cause de la courbure de la Terre.
Deuxièmement, l’ombre de la Terre sur la Lune lors d’une éclipse de Lune est circulaire. Si la Terre est une sphère, peu importe la direction de laquelle la lumière solaire provient, l’ombre qu’elle projettera sera circulaire.
Enfin, les Grecs avaient remarqué que les étoiles visibles dans le ciel n’étaient pas les mêmes selon l’endroit d’où on les observait sur Terre. En effet, si on se déplace vers le sud, les étoiles qui se trouvaient proche de l’horizon sud sont beaucoup plus haute dans le ciel et des étoiles qui n’étaient pas visible apparaissent au-dessus de l’horizon. L ’image ci-dessous montre le ciel nocturne le 4 février 2020 tel que vu de Longueuil, Canada (à gauche) et de Santa Elena de Uairen, Vénézuela (à droite).
Sachant cela, Aristote supposa que la sphère était non seulement la forme de la Terre, mais également la forme sur laquelle étaient placés les astres autour de la Terre. Cette hypothèse d’Aristote était grandement influencée par l’idée de son maître à penser, Platon, selon laquelle la sphère était la forme la plus parfaite. Quoi de mieux pour décrire le mouvement parfait des astres du domaine céleste? Ainsi, le modèle d’Aristote est constitué d’une Terre sphérique immobile autour de laquelle se trouvent des sphères concentriques portant les divers astres. Ces sphères sont en mouvement circulaire uniforme, c’est-à-dire qu’elles tournent à vitesse constante.
Mouvement rétrograde et préférence zodiacale
Les planètes se déplacent généralement d’ouest en est par rapport aux constellations du zodiaque, mais les Grecs ont aussi remarqué qu’il arrive à l’occasion qu’une planète change de direction et se déplace momentanément d’est en ouest. Ce mouvement rétrograde était une énigme pour Aristote et son modèle ne pouvait pas l’expliquer.
La vitesse des planètes par rapport aux constellations du zodiaque est environ constante, d’où l’hypothèse du mouvement circulaire uniforme d’Aristote. Les Grecs ont cependant noté que cette vitesse varie selon la position de la planète dans le ciel et que certaines planètes vont systématiquement plus lentement lorsqu’elles se trouvent vis-à-vis de certaines constellations. On dit que les planètes ont une préférence zodiacale. Cette observation est également incompatible avec le modèle d’Aristote.
Modèle d’Hipparque
En 150 av. J.C., l’astronome grec Hipparque proposa une modification du modèle d’Aristote qui pouvait expliquer le mouvement rétrograde. Encore ancré dans la tradition platonicienne qui vouait au cercle une admiration sans borne, il continua d’utiliser le cercle comme trajectoire fondamentale. Dans son modèle, chaque planète se déplace sur une trajectoire circulaire nommée l’épicycle dont le centre le déplace lui-même sur une trajectoire circulaire centrée sur la Terre nommée le déférent. Le mouvement de la planète sur l’épicycle et de l’épicycle sur le déférent se font tous deux à vitesse constante. La combinaison de ces deux mouvements circulaires donne une trajectoire relativement complexe qui inclut un mouvement rétrograde à certains moments. Le modèle d’Hipparque est meilleur que celui d’Aristote car il explique un phénomène supplémentaire. Cependant, il ne fournit toujours aucune explication pour la préférence zodiacale.
Modèle de Ptolémée
Claude Ptolémée, au IIe siècle après J.C., a proposé une nouvelle amélioration au modèle d’Hipparque pour expliquer la préférence zodiacale. Chaque planète se déplace sur un épicycle dont le centre se déplace sur un déférent. La planète tourne autour de l’épicycle à vitesse constante. Le déférent est décentré par rapport à la Terre et le point diamétralement opposé à la Terre est appelé équant. L ’épicycle tourne sur le déférent à vitesse constante tel que vu à partir de l’équant. Ceci fait en sorte que, vu de la Terre, la planète ne se déplacera pas toujours à vitesse constante par rapport aux constellations du zodiaque.
Dans le modèle de Ptolémée, les planètes qui prennent plus de temps faire le tour du zodiaque sont placées sur des déférents plus loin de la Terre. Mercure, Vénus et le Soleil, qui prennent tous environ 1 ans pour faire le tour du zodiaque, étaient placés dans un ordre arbitraire.
Ce modèle explique le mouvement rétrograde et la préférence zodiacale. En plus, il permet de faire des prédictions de la position des astres errants avec une précision de l’ordre de 5° (à titre de comparaison, la taille angulaire de la Lune est de 0,5°). C’est un modèle assez bon qui concorde avec les observations faites par les Mésopotamiens et les Grecs. Ce n’est pas pour rien qu’il est resté le modèle dominant pendant près de 1300 ans.
Néanmoins, il comporte sa dose de bizarrerie. En effet, chaque planète se trouve sur un déférent différent avec un équant qui n’est pas toujours le même. Le centre de l’épicycle des planètes inférieures devait se trouver sur l’axe Terre-Soleil pour expliquer qu’on ne voyait jamais les planètes inférieures bien loin du Soleil. Pour les planètes supérieures, l’axe qui relie la planète au centre de son épicycle devait toujours être parallèle à l’axe Terre-Soleil. Ces étranges contraintes ne s’expliquent pas naturellement dans le modèle de Ptolémée et elles font partie de ce qui a motivé les astronomes, au tournant du XVIe siècle, à revoir le modèle de Ptolémée.
Exercices
Qu’est-ce que l’écliptique?
Nommer les sept astres errants.
Définir les planètes inférieures et les planètes supérieures en expliquant bien la différence entre les deux.
Faire un schéma montrant la position de la Lune, du Soleil et de la Terre lorsque la Lune est dans sa phase dernier croissant.
Est-ce qu’une planète inférieure peut être en quadrature? Expliquer clairement pourquoi en vous appuyant d’un schéma basé sur le modèle héliocentrique.
Quelle était la motivation principale des Mésopotamiens pour étudier le ciel?
Donner deux arguments qui montrent que la Terre est sphérique.
Pourquoi Aristote postula-t-il que la Terre était immobile et que les astres tournaient autour de la Terre?
Décrire les principaux éléments du modèle d’Aristote.
Définir le mouvement circulaire uniforme.
Qu’est-ce que le mouvement rétrograde?
Qu’est-ce que la préférence zodiacale?
La Terre est-elle plus proche du Soleil l’été ou l’hiver? Comment explique-t-on qu’il fasse plus froid en hiver qu’en été?
Pourquoi le modèle d’Aristote était-il incapable d’expliquer le mouvement rétrograde et la préférence zodiacale?
Décrire les principaux éléments du modèle d’Hipparque.
Décrire les modifications apportées au modèle d’Hipparque par Ptolémée.
Lesquels des éléments suivants ne faisaient pas partie du modèle d’Hipparque? Déférent, épicycle, équant, cercle, mouvement circulaire uniforme, orbite elliptique
Pourquoi tous les modèles grecs accordent-ils autant d’importance au cercle?