Chapitre 1 Astronomie à l’œil nu
Les humains regardent et étudient le ciel depuis la nuit des temps. Dans toutes les cultures antiques, nous avons retrouvé des traces de l’étude des phénomènes célestes. Que ce soit pour la navigation, la confection de calendriers ou pour des raisons mythologiques ou mystiques, comprendre ces phénomènes a toujours fasciné les humains. Nos ancêtres ont pu faire un grand nombre d’observations à l’œil nu, sans avoir besoin d’un télescope, ni même de jumelles. Dans ce chapitre, nous nous attarderons principalement aux étoiles, au Soleil, à la Lune, aux planètes de même qu’à leur mouvement dans le ciel.
Étoiles et constellations
Dans le ciel nocturne, on peut voir quelques milliers d’étoiles si le ciel est assez sombre. Malheureusement, en ville, la pollution lumineuse causée par les lampadaires de rue, les éclairages commerciaux et les éclairages résidentiels limite le nombre d’étoiles visibles à quelques centaines. Dans le désert de l’Atacama au Chili, le ciel est si sombre qu’on arrive sans difficulté à distinguer la Voie Lactée, notre galaxie.
Si on regarde le ciel nuit après nuit pendant quelques mois, voire quelques années, on s’aperçoit que les étoiles ne bougent pas les unes par rapport aux autres. Des cartes du ciel qui ont été dessinées il y a plusieurs siècles montrent les mêmes configurations d’étoiles que celles que nous observons aujourd’hui. Les étoiles ne sont donc pas des points lumineux disposés de façon aléatoire dans le ciel chaque soir : elles sont organisées, on peut les nommer et les cartographier.
On remarque que les étoiles n’ont pas toutes la même couleur : certaines sont rouges, d’autres oranges, d’autres bleues ou blanches. Bételgeuse, l’épaule droite d’Orion, est orangée alors que Rigel, son pied gauche, est bleue. La couleur d’une étoile est reliée à son type spectral, une caractéristique intrinsèque de l’étoile qui dépend de sa température et de sa composition chimique. Les types spectraux ont été découverts au début du XIXe siècle et nous en reparlerons plus en détail au chapitre 7. Les étoiles n’ont pas toute la même brillance : certaines sont très brillantes, d’autres à peine visibles. L ’étoile la plus brillante dans le ciel nocturne est Sirius A qu’on arrive à voir sans difficulté, même en ville. Les astronomes utilisent un système de mesure de la brillance qui assigne à chaque étoile une magnitude comprise entre environ -27 et 20. Les objets les plus brillants ont la magnitude la plus petite. Par exemple, le Soleil a une magnitude de -27, alors que les étoiles tout juste visibles à l’œil nu ont une magnitude de 6. Grâce aux télescopes puissants d’aujourd’hui, nous pouvons observer des étoiles de magnitude allant jusqu’à 20. Ce système de classification basé sur la brillance a été inventé au IIe siècle avant J.-C. par l’astronome grec Hipparque.
Évidemment, reconnaître les étoiles dans le ciel en se basant uniquement sur leur couleur et leur brillance est très difficile. C’est pour cela que les astronomes de toutes les civilisations ont regroupé les étoiles en constellations, des ensembles d’étoiles apparemment proches qui semblent former des images. Les constellations que nous connaissons en occident ont été inventées en grande partie par les Grecs anciens, mais certaines sont plus anciennes, comme le Taureau, alors que d’autres sont plus récentes, comme le Télescope. Les étoiles d’une constellation, si on imagine des lignes les reliant, dessinent des forment qu’on peut reconnaître relativement aisément. Les constellations sont donc une façon de se repérer dans le ciel. On sait aujourd’hui que les constellations ne sont pas de réels regroupements d’étoiles. Les étoiles d’une constellation sont souvent très éloignées les unes des autres et ne paraissent proches que de notre point de vue. Un ensemble d’étoiles qui sont réellement proches les unes des autres est appelé un amas.
Étant capable de se repérer dans le ciel grâce aux constellations, nos ancêtres ont commencé à nommer les étoiles. Albiréo est la tête du Cygne. Polaris est le bout de la queue de la Petite Ourse. Aujourd’hui, il n’est pas rare que des étoiles portent plusieurs noms parce qu’elles ont été nommées ou observées par plusieurs personnes qui les ont cataloguées différemment. Les astronomes utilisent maintenant des bases de données qui permettent de trouver tous les noms associés à une étoile. Simbad est une des bases de données les plus utilisées. Si on y cherche Véga, on découvre qu’il s’agit d’une étoile variable de type δ Scuti dans la constellation de la Lyre qui porte également les noms α Lyrae, HIP 91262 et 2MASS J18365633+3847012, pour n’en nommer que quelques uns.
Sphère céleste et mouvement des étoiles
Lorsque nous regardons le ciel, les étoiles semblent distribuées sur un plafond sphérique centré sur la Terre qu’on appelle la sphère céleste. Les anciens ont longtemps pensé que les étoiles étaient bel et bien fixées sur une sphère gigantesque qui tournait autour de la Terre. Même si nous savons aujourd’hui, grâce à des observations dont nous parlerons plus tard dans le cours, que cette hypothèse est incorrecte, nous utilisons tout de même ce concept pour décrire le mouvement quotidien des étoiles et pour définir les coordonnées qui servent à nous repérer dans le ciel plus efficacement que les simples constellations.
On appelle le point de la sphère céleste qui est aligné avec le pôle Nord terrestre le pôle Nord céleste. La projection du pôle Sud terrestre et de l’équateur terrestre sur la sphère céleste définissent le pôle Sud céleste et l’équateur céleste, respectivement. Tout comme nous utilisons la latitude et la longitude pour identifier des endroits sur Terre, nous pouvons utiliser des coordonnées semblables pour repérer les étoiles dans le ciel. L ’analogue de la latitude, est la déclinaison : l’angle mesuré à partir de l’équateur céleste vers les pôles. L ’hémisphère Nord céleste a des valeurs de déclinaison positive allant de 0° à l’équateur jusqu’à 90° au pôle Nord céleste. La déclinaison dans l’hémisphère Sud est négative allant de 0° à l’équateur jusqu’à -90° au pôle Sud céleste. L ’analogue de la longitude est l’ascension droite. Sur Terre, les longitudes sont mesurées par rapport au méridien Greenwhich, un choix arbitraire qui a été fait en 1851 par l’astronome britannique Sir George Airy. Si l’empire britannique ne dominait pas le monde au XIXe siècle, les longitudes seraient sans doute mesurées par rapport à un méridien différent. Pour mesurer l’ascension droite, il faut aussi un point de repère : le méridien où se trouve le Soleil à l’équinoxe de printemps.
Le système de coordonnées formé de l’ascension droite et de la déclinaison est appelé le système de coordonnées équatorial. C’est un des plus utilisés par les astronomes. Par exemple, Spica, une étoile brillante dans la constellation du Lion, a comme coordonnées 13h25m11,53s / -11°09′41,5″. Nous n’entrerons pas dans le détail des raisons pour lesquelles l’ascension droite est donnée en heures et en minutes alors que la déclinaison est donnée en degrés. L ’avantage du système de coordonnées équatorial est qu’il permet à des astronomes de partout dans le monde de communiquer facilement. Les coordonnées équatoriales d’un objet céleste sont les mêmes peu importe où l’observateur se trouve sur la Terre. L ’inconvénient principal de ce système de coordonnées est la difficulté de mesurer les angles par rapport à l’équateur céleste et au méridien de l’équinoxe du printemps (ces cercles imaginaires n’apparaissent nulle part dans le ciel).
Un système de coordonnées alternatif qui est également couramment utilisé est le système altitude-azimut. L ’altitude est l’angle au-dessus de l’horizon et l’azimut est l’angle par rapport au nord. Ce système est plus simple à utiliser tant qu’on possède un compas et un rapporteur d’angle (ou un sextant). Malheureusement, les coordonnées d’altitude-azimut sont différentes à différents endroits sur Terre et à différents moments. Par exemple, l’altitude de l’étoile Polaire est d’environ 46° à Montréal alors qu’elle est de 90° au pôle Nord terrestre et de 0° pour quelqu’un qui demeure à Quito. Il est possible de convertir les coordonnées équatoriales en coordonnées altitude-azimut et c’est souvent ce que les astronomes font pour repérer les objets dans le ciel.
Chaque soir, la sphère céleste tourne d’est en ouest, c’est-à-dire que les étoiles se lèvent à l’est et se couchent à l’ouest. Cela est dû au fait que la Terre tourne sur elle-même d’ouest en est. On remarque que l’étoile Polaire semble immobile durant une nuit et que toutes les autres étoiles semblent tourner autour d’elle. La raison de ce phénomène est simple, c’est que l’étoile Polaire est parfaitement alignée avec le pôle Nord et donc avec l’axe de rotation de la Terre. On remarque que certaines étoiles proches de Polaris sont toujours visibles dans le ciel, elles ne se couchent jamais. La région du ciel où se trouvent ces étoiles est la région circumpolaire. Cette région est plus ou moins grande selon l’endroit où on se trouve sur Terre. Pour un observateur à l’équateur, il n’y a pas de région circumpolaire : toutes les étoiles se lèvent et se couchent. Il y a également une région de la sphère céleste qui est invisible de l’hémisphère Nord. Cette région est proche du pôle Sud céleste et elle est invisible parce qu’elle se trouve de l’autre côté de la Terre, le sol bloque donc la vue.
Soleil et saisons
Le Soleil est une étoile. Il est suffisamment proche pour qu’on voit sa surface comme un disque (plutôt qu’un simple point, comme toutes les autres étoiles). Le Soleil est la principale source d’énergie sur Terre. Toute les plantes tirent leur énergie du Soleil, et sans lui, la vie sur Terre serait impossible. Comme les autres étoiles, le Soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest chaque jour. Ce mouvement apparent, on l’a mentionné plus haut, est dû à la rotation de la Terre sur son axe. Une différence notable entre le Soleil et les autres étoiles est que sa position sur la sphère céleste change au cours de l’année. Ce changement de position est dû au mouvement de révolution que la Terre décrit chaque année alors qu’elle tourne autour du Soleil. Le parcours annuel du Soleil sur la sphère céleste est appelé l’écliptique.
Lorsque le Soleil est visible, on ne peut pas voir les autres étoiles parce que sa lumière illumine l’atmosphère et cache la sphère céleste. Il n’en demeure pas moins que les étoiles sont toujours présentes. Si on pouvait voir les étoiles qui sont situées proche du Soleil, on constaterait qu’au cours de l’année, le Soleil passe en face de 13 constellations. Douze de ces constellations sont celles du Zodiaque. La 13, le Serpentaire, n’en fait pas partie pour des raisons historiques.
L ’axe de rotation de la Terre n’est pas parallèle à son axe de révolution : la Terre est penchée de 23°. Par conséquent, l’angle que font les rayons du Soleil avec le sol varie au cours de l’année. Plus les rayons du Soleil arrivent perpendiculairement au sol, plus une grande quantité d’énergie est déposée par unité de surface et le sol se réchauffe. À cela s’ajoute le fait que lorsque les rayons arrivent plus perpendiculairement, la période ensoleillée de la journée est plus longue. Ceci est l’été. L ’hiver, le contraire se produit.
À deux moments dans l’année le jour est aussi long que la nuit. On appelle ces deux dates les équinoxes. L ’équinoxe du printemps, ou équinoxe vernal, est utilisé pour définir la ligne de 0h dans le système de coordonnées équatorial décrit plus haut.
Il est intéressant de noter que le cycle des saisons n’est pas relié à la distance qui sépare la Terre du Soleil. En fait, la Terre est plus près du Soleil l’hiver que l’été (pour l’hémisphère Nord) : la distance Terre-Soleil est de 147 402 milliards de mètres l’hiver contre 152 090 milliards de mètres l’été.
Une année, soit le temps requis pour que la Terre fasse une révolution complète, dure environ 365,26 jours. Avec nos calendriers de 365 jours, nous accumulons un retard de 0,26 jours chaque année, soit environ un quart de jour. C’est pourquoi, chaque quatre ans, nous ajoutons une journée au calendrier, le 29 février.
Lune et phases de la Lune
La Lune apparaît aussi grosse que le Soleil de notre point de vue, mais en réalité elle est beaucoup plus petite que la Terre. Nous verrons plus tard dans le cours comment les tailles de la Lune et du Soleil sont évaluées. De la Terre, on peut voir que la partie illuminée de la Lune varie sur une période d’environ 28 jours. Cette variation est appelée le cycle des phases de la Lune. Ce cycle a longtemps été utilisé comme marqueur de temps et est étroitement lié à la durée de la semaine et du mois dans notre calendrier moderne.
Les phases de la Lune sont dues au fait que nous ne voyons pas toujours la partie de la Lune qui est éclairée par le Soleil. Une moitié de la Lune est toujours éclairée par le Soleil, comme la Terre. Si la Lune est située environ entre le Soleil et la Terre, la face éclairée n’est pas visible depuis la Terre. La Lune apparaît alors complètement sombre (on peut difficilement la voir) et on l’appelle la nouvelle Lune. Dans les jours qui suivent la nouvelle lune, on voit un croissant se dessiner, puis, une semaine plus tard, la Lune aura parcouru le quart de sa révolution et on verra la partie éclairée de côté. On voit alors la moitié de la Lune, c’est le premier quartier. La partie éclairée continue de devenir plus grande jusqu’à la pleine Lune où elle se situe à l’opposé du Soleil par rapport à la Terre. La Lune passera ensuite par la phase du dernier quartier avant de revenir à la nouvelle Lune.
À ses différentes phases, la Lune n’est pas visible dans le ciel au même moment de la journée. Par exemple, lors de la pleine Lune, elle se trouve physiquement à 180° du Soleil, donc on peut la voir à son point le plus haut proche de minuit. Lorsqu’elle est au premier quartier, elle est à 90° du Soleil, donc on la voit culminer à environ 18h. Au dernier quartier, elle culmine vers 6h. Enfin, à la nouvelle Lune, elle culmine vers 12h, donc elle est plus difficilement visible non seulement parce qu’on voit uniquement sa face sombre, mais aussi parce qu’on est en plein jour.
Si vous observez attentivement la Lune, vous remarquerez que la partie visible de la Terre est toujours la même. Un des côtés de la Lune ne nous fait jamais face, c’est la face cachée de la Lune. Ceci est causé par le fait que la période de révolution de la Lune est égale à sa période de rotation. Cette synchronisation, appelée verrouillage gravitationnel, est une conséquence de l’action de la force de gravité et du fait que la Lune n’est pas un objet parfaitement solide.
Éclipses de Lune et de Soleil
Lorsque la Lune est parfaitement située entre le Soleil et la Terre, elle cache le Soleil pour une certaine partie des habitants de la Terre. Ce phénomène est une éclipse de Soleil. En raison de la géométrie du système Terre-Lune-Soleil, seule une petite partie de la Terre peut voir une éclipse totale de Soleil. Puisque les éclipses de Soleil se produisent lorsque la Lune est entre la Terre et le Soleil, elles n’ont lieu que lors de la nouvelle Lune. Il n’y a pas d’éclipse de Soleil à chaque mois parce que l’orbite de la Lune n’est pas parfaitement alignée avec l’orbite de la Terre, elle fait un angle de 5°. Une éclipse totale de Soleil est donc un phénomène assez rare.
Lorsque la Terre passe entre la Lune et le Soleil et que l’alignement est bon, l’ombre de la Terre peut cacher la Lune, c’est une éclipse de Lune. Les éclipses de Lune ne peuvent donc se produire que lorsque la lune est pleine.
Astres errants
En observant attentivement le ciel, on aperçoit des objets qui semblent être des étoiles, mais dont la position change par rapport aux autres étoiles. Ces astres errants sont des planètes de notre système solaire. Cinq planètes sont visibles à l’œil nu : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Elles sont très brillantes et on les distingue assez facilement avec un peu de pratique. Nos ancêtres avaient compris que ces objets étaient fondamentalement différents des étoiles et leur étude a permis de jeter les bases de notre compréhension actuelle du système solaire. Nous en parlerons en détail au chapitre 2.
Précession des équinoxes
Nous savons que la Terre tourne sur elle-même comme une toupie. Et comme une toupie, elle fait un mouvement de précession, c’est-à-dire que l’axe de rotation de la Terre est lui-même en rotation. Il complète une rotation en 26 000 ans. Actuellement, Polaris est alignée avec le pôle Nord céleste, mais ce n’est que temporaire. Dans 13 000 ans, elle sera à 47° du pôle Nord céleste. La conséquence la plus frappante de ce phénomène est que personne n’est du signe astrologique attendu. Depuis l’invention de l’astrologie, il y un peu plus de 2000 ans, le mouvement de précession a décalé d’environ 1/12 la position apparente du Soleil par rapport aux constellations. C’est l’équivalent d’un décalage d’un signe astrologique! Par exemple, ceux qui sont nés entre le 20 janvier et le 19 février pensent être Verseau alors que le Soleil est en Capricorne.
Exercices
Expliquer la différence entre une constellation et un amas d’étoiles.
Toute la matière dans l’Univers est composée d’atomes. Quelles sont les trois particules qui composent les atomes?
Définissez le type spectral et la magnitude.
Sirius A a une magnitude de -1,45 alors que Deneb a une magnitude de 1,25. Laquelle de ces étoiles est la plus brillante?
Définissez le groupe local.
Quel est le principal avantage du système de coordonnées équatorial?
Quel est le principal inconvénient du système de coordonnées équatorial?
Quel est le principal avantage du système de coordonnées altitude-azimut?
Quel est le principal inconvénient du système de coordonnées altitude-azimut?
La déclinaison et l’ascension droite sont des analogues sur la sphère céleste à quelles coordonnées sur la Terre?
Expliquer la différence entre rotation et révolution.
Pourquoi fait-il froid dans l’hémisphère Nord en hiver?
Expliquer pourquoi il est impossible d’observer une éclipse solaire lorsque la Lune est gibbeuse.
Est-ce qu’une des faces de la Lune n’est jamais exposée au Soleil?
Quelles sont les planètes qu’on peut observer à l’œil nu?
Décrivez le phénomène de la précession des équinoxes.